« C’est juste absolument inoubliable ! Cela va au-delà du sport ! C’est une histoire humaine incroyable. On pourrait presque en faire un film. » Près de deux décennies se sont écoulées mais Yann Bonato, l’ancien « capitaine Flam » n’a évidemment rien oublié de la saison 1999-00 du Limoges CSP (Voir son interview pour notre site en novembre dernier). Une aventure à la fois épuisante nerveusement en coulisse, et magique sur le terrain, conclue par un triplé championnat – Coupe Korac – Coupe de France. « Cette expérience d’autogestion et d’autofinancement, je ne l’échangerais pour rien au monde », poursuit Yann Bonato « C’est le plus gros kif de ma carrière. »
Eté 1999. Au sortir d’une saison ratée (seulement 7e, éliminé en quart de finale des playoffs), le CSP se pose comme un candidat sérieux au titre. Même privé d’Euroleague, le club limougeaud a conservé un budget de haut de tableau (30 MF, 3e derrière l’ASVEL et Pau). Fred Weis (22 ans), tout juste drafté en 15e position par les Knicks, est resté en Limousin. Yann Bonato, de retour après deux saisons en Italie, l’intérieur Harper Williams, valeur sûre de la Liga ACB, Bruno Hamm, Thierry Rupert… Le nouvel entraîneur, le Monténégrin Dusko Ivanovic, possède l’équipe pour jouer le titre.
Seulement, cet effectif rutilant peine à trouver la bonne carburation – quatre défaites après douze journées. Fin novembre, l’Américain Carl Thomas est débarqué et remplacé par Marcus Brown, meneur-arrière haut de gamme, champion avec Pau deux ans auparavant. Brown ne tarde pas à se montrer. Pour son troisième match, il va claquer 34 points sur le parquet de Strasbourg. De fait, l’équipe est plus performante. Mais en coulisse, le vaisseau limougeaud commence à tanguer. La justice s’intéresse aux comptes du CSP. Le 26 octobre 1999, la SRPJ de Limoges est venue perquisitionner le siège du club. Le 10 janvier 2000, Didier Rose, l’agent de joueurs, et Pierre Pastaud, l’un des dirigeants, sont placés en garde à vue. Plus grave, les caisses sont vides. Le CSP est au bord de la cessation de paiement. Le président, Jean-Paul de Peretti annonce que de mystérieux investisseurs asiatiques vont renflouer le club. « Les fonds sont dans le tuyau », confirme-t-il sur France Télévision. Ces fonds n’arriveront jamais.
Tandis que l’avenir du club est sur un fil, Yann Bonato convainc ses coéquipiers de réduire drastiquement leur salaire. Tous adhèrent sauf les deux Américains, Marcus Brown et Harper Williams. Au plus fort de la tourmente, l’équipe fait front. Le 29 janvier, les Limougeauds portés par le 28 points de Marcus Brown s’en vont gagner au palais des sports de Pau, un territoire invincible depuis près de 4 ans ! Ils se glissent en finale de la coupe Korac et livrent une première manche époustouflante à Beaublanc (80-58) derrière les 31 points de Brown. Une semaine plus tard, le CSP parvient à préserver son matelas en Andalousie (défaite 60-51) et remporte la cinquième coupe d’Europe de son histoire. Le deuxième trophée sera la Coupe de France, après la finale remportée face au PSG Racing (79-73). Et la belle aventure n’est pas terminée.
En playoffs, l’avantage du terrain gagné de haute lutte en saison régulière sera décisif pour écarter Le Mans en quart de finale (2-1) puis Pau-Orthez en demie (2-1). En finale, les Limougeauds font figure d’outsiders face aux Villeurbannais, premiers de la saison régulière et quarts de finaliste de l’Euroleague. Surprise d’entrée dans sa salle (74-87), l’ASVEL de Greg Beugnot croit tenir le bon bout après sa victoire à Beaublanc (69-58). A la veille du match décisif à l’Astroballe, Yann Bonato et ses coéquipiers se rendent à l’entraînement et tombent incidemment sur les préparatifs de la cérémonie de remise du trophée et de levée de la 16e bannière de champion de l’ASVEL. Il n’en faudra pas plus pour remonter les Limougeauds comme des pendules. Ce soir-là, Jean-Claude Bonato téléphone à son fils. Yann lui répond : « Papa, demain on va gagner. » Et en effet, le CSP s’impose (78-66), décrochant un formidable triplé. Des voix s’élèveront contre ces « titres à crédit ». Le CSP n’avait pas les moyens de se payer cette belle équipe. Quelques semaines plus tard le club sera rétrogradé en Pro B. Mais l’aventure humaine et sportive du CSP 1999-00 n’en reste pas moins l’une des plus extraordinaires de l’histoire du basket français.
Les faits marquants de la saison
Tony Parker, 17 ans, meilleur marqueur de Nationale 1 la saison précédente (22,1 points, 6,5 passes), entame sa carrière professionnelle au PSG Racing. Le rookie ne joue qu’une petite dizaine de minutes en moyenne derrière Laurent Sciarra. Sa première et dernière saison comme doublure.
Le 8 janvier 2000, Stanley Jackson (Dijon) signe une feuille record de 40 points à 17/23 aux tirs, 13 passes décisives et 51 d’évaluation contre Besançon.
L’ASVEL échoue sur la dernière marche avant le Final Four de l’Euroleague. Comme trois ans plus tôt, tout se joue à Istanbul face à l’Efes Pilsen. Le dernier tir du milieu de terrain de Mous Sonko ricoche sur l’arceau. L’ASVEL rate de peu le hold-up et s’incline deux manches à une.
Les Trophées de la Saison 1999-00
M.V.P. Français : Moustapha Sonko (ASVEL) | Meilleur Marqueur : John White (Strasbourg) – 19.6 pts | |
M.V.P. Etranger : Marcus Brown (Limoges) | Meilleur Rebondeur : Antonio Garcia (Lorient) – 11.3 rb | |
Entraîneur de l’Année : Michel Gomez (Limoges) | Meilleur Passeur : André Woolridge (Le Mans) – 8.4 pd | |
Meilleur Jeune : David Gautier (Cholet) | Meilleur Contreur : Christophie Oyie (Gravelines) – 2.0 ctr | |
Défenseur de l’année : Jim Bilba (ASVEL) |
Fabrice Serrano, Jean-Luc Tissot, Xavier Boivin, Jérôme Monnet, Mohamed Sy. Depuis son ascension en Pro B en 1996, la Jeunesse Laïque de Bourg-en-Bresse s’est appuyé sur ce noyau dur de joueurs français pour grimper dans la hiérarchie de l’antichambre. 6e en 1997, 3e en 1998, 4e en 1999… Le scoreur Sébastien Lafargue (15,5 points) et deux Américains en or, Trazel Silvers et Eric Franson, complètent le roster.
Pendant toute la saison 1999-00, l’équipe d’Alain Thinet restera invincible à domicile dans sa petite salle des Sports de la rue Charles Robin. Elle obtient la montée lors de l’avant-dernière journée, à Vichy. L’année suivante, les Français seront toujours de l’aventure en Pro A. Fabrice Serrano en sera le dernier rescapé lors de la saison 2003-04.
Les Trophées de la Saison 1998-99
M.V.P. Français : Charles-Henri Grétouce (Bondy) | Meilleur Marqueur : Keith Bullock (Saint-Etienne) – 23.1 pts | |
M.V.P. Etranger : Elliot Hatcher (Vichy) | Meilleur Rebondeur : Clarence Thrash (Mulhouse) – 12.2 rb | |
Entraîneur de l’Année : Non attribué | Meilleur Passeur : Pascal Perrier-David (Saint-Etienne) – 8.5 pd | |
Meilleur Jeune : Non attribué | Meilleur Contreur : Makhtar N’diaye (Roanne) – 3.1 ctr |