Sur le toit de l’Europe du basket au printemps 1993 en devenant le premier club français, toutes disciplines confondues, à remporter le reine des compétitions européennes, le Limoges CSP aura connu un peu de mal à se lancer en ce début de saison 1993-94. La phase aller avait en effet été dominée par Cholet, le CSP laissant filer trois rencontres – toutes à Beaublanc étonnamment -, ce qui n’empêchera pas Bozidar Maljkovic et ses gladiateurs de dérouler par la suite pour dominer largement la suite de la saison régulière (31V-3D, trois victoires d’avance sur Antibes et cinq sur Cholet).
Sur le front européen, le CSP n’allait pas démériter avant de finalement céder « son » trophée à l’issue d’un quart de finale dantesque face à un géant en pleine éclosion, le Panathinaikos Athènes. « Mortifiés par notre élimination européenne, il n’était plus question que le titre national nous échappe », commentait après coup Richard Dacoury, le capitaine limougeaud. « En fin de saison, nous étions meilleurs que jamais »
Pourtant, en route vers son huitième titre national, le CSP avait connu quelques soucis de digestion. Le moine soldat, Jurij Zdovc, métronome de l’escouade Championne d’Europe, s’était envolé vers la Grèce et Iraklis Salonique. Son successeur, Sasha Obradovic qui allait devenir un joueur puis coach de tout premier plan, s’avérait encore un peu jeune (24 ans) pour enfiler le costume abandonné par Zdovc. Après quelques matches seulement, il laissait sa place à un autre Young, prénommé Danny celui-là, au rayonnement bien moins grand que celui de l‘ailier star du club, Michael Young. Toujours sur les lignes arrières, le renfort Georgi Adams, alors à son top (15,8 points de moyenne la saison précédente avec Antibes), se blessait gravement au genou.
Résultat, une ébauche de crise après les défaites contre le Racing PSG, Cholet puis Dijon, fit raisonner des sifflets à travers Beaublanc. Mais derrière, le CSP reprit son inexorable domination et rendit une copie quasi parfaite, ne perdant plus qu’une seule rencontre hexagonale de la saison (à Pau, en demi-finale des Playoffs, sur un shoot au buzzer de Thierry Gadou), en route vers son 8e titre et une nouvelle Coupe de France.
La recette ? Identique ou presque à celle de la saison précédente. Défense de fer, jeu contrôlé, soldats donnant leurs corps à la science chacun dans leur rôle (Jimmy Vérove et Dacoury à l’extérieur, Marc M’Bahia et Jim Bilba « inside »), et une attaque portée par la magique patte gauche de Michael Young, sacré MVP de la Pro A pour la deuxième saison consécutive (19,0 pts, 5,5 rbds). « Techniquement, collectivement, le Limoges 94 a sans doute surpassé la version 1993 » osera analyser Dacoury plus tard.
En Playoffs, Limoges passa d’abord sur le corps de Gravelines en deux manches sèches. Puis la première manche de la demi-finale face à Pau-Orthez fut marquée par une bagarre entre Marcus Webb (Elan) et Franck Butter (CSP), qui vit les gendarmes pénétrer sur le parquet pour séparer les belligérants… Au retour, les Béarnais prolongeaient le suspense en l’emportant au buzzer, mais la belle à Beaublanc n’allait être qu’une formalité (88-68). En finale enfin, l’Olympique d’Antibes, coaché par Monclar et où David Rivers et Stéphane Ostrowski tenaient l’attaque à bout de bras, allait prendre le risque d’ouvrir le jeu face à la muraille défensive limougeaude. Un pari manqué au match 1 (92-73 pour le CSP), mais qui faillit bien réussir au retour (87-81), par la grâce des jeunes Arsène Ade-Mensah (22 ans, 12 points) et Laurent Foirest (21 ans, 15 points), le CSP ne s’en sortant que grâce à quelques nouveaux exploits de Michael Young…
Les faits marquants de la saison
Hervé Dubuisson, top-scoreur français de l’histoire, a toujours fait des cartons. A l’été 1993, congédié par le Racing Paris, devenu PSG Racing par la grâce de l’investissement de Canal +, il doit de nouveau les faire. Pour de bon cette fois. Chômeur ! Sauvé des ASSEDICS, à 37 ans, par Alain Weisz et Sceaux, Petit Poucet parmi l’élite, et qui disparaîtra la saison suivante. Et « Dub », à 7,5 points en 1992-93, renaît de ses cendres : 21,4 points de moyenne et quelques saillies mémorables, comme ses 39 points passés dans le Palais des Sports de Pau. Sélectionné pour le All Star Game à Tours, Hervé y étincelle : 30 points à 8 sur 11 à trois-points et quelques arabesques magiques qui font hurler de joie ses amis de toujours, les Monclar, Greg Beugnot ou Richard Dacoury. Ceux-ci, parfois agacés par l’insatiable soif de ballons de Dub (« Hervé, c’est le seul joueur à qui tu pouvais faire une feinte de passe et qui… shootait quand même ! », raconte Jacques), en pleuraient presque…
A l’été 1993, Pau-Orthez réussit un gros coup en enrôlant Terry Catledge, 9 saisons et près de 7.000 points cumulés avec le Magic d’Orlando en NBA. Meilleur en basket qu’en géographie, Catledge débarque en Béarn avec un garde du corps personnel, terrorisé à l’idée de croiser des… gangs. Deux matches et 40 points marqués plus tard, Terry déserte en pleine nuit, laissant derrière lui un appartement dévasté. Aujourd’hui, Pierre Seillant, alors « Prési » palois, en rigole. A l’époque, moins !
Cette saison 1993-94 est le théâtre d’une renaissance, celle de l’ASVEL. Moribonde au printemps 1992, criblée de dette, la « Vieille Dame » la plus titrée du basket français, qui n’avait jamais quitté l’élite depuis sa création, était sur le point de disparaître. Repartie à l’automne 1993 par la grâce d’un plan de reprise « bricolé » par un ancien kiné du club, Marc Lefèvre, et d’un effectif de chômeurs et autres revanchards rafistolé avec talent par Gregor Beugnot, l’ASVEL s’était sauvée la saison précédente. L’élément déclencheur de la remontée de Villeurbanne vers les sommets ? Le recrutement de Delaney Rudd, qui terminera cette saison avec 23,3 points et 7,5 passes de moyenne, replaçant aussi l’ASVEL dans le haut du tableau (7e) de cette Pro A nouvellement née…
…Elle fût aussi celle d’une naissance, celle du PSG Racing version Canal+. Charles Biétry étant parvenu à convaincre les patrons de Canal de l’opportunité d’ajouter une section omnisports à « leur » PSG. Le patron des sports de la chaîne recrute alors les tous jeunes Yann Bonato (21 ans) et Laurent Sciarra (20 ans). En conflit avec son club formateur, Sciarra devra patienter un an avant d’intégrer son nouveau club, pendant que Yann terminera 2e scoreur français de Pro A (21,4 pts), à un petit dixième d’Hugues Occansey. Les Stéphane Risacher et autre Franck Meriguet suivront la saison suivante pour donner un très bel éclat au basket parisien…
En Pro B, le Top scoreur est un certain Bruce Bowen (28,1 points de moyenne), qui évoluait à Saint-Thomas d’Aquin Le Havre. Le futur spécialiste défensif des San Antonio Spurs, Champion NBA en 2003 et 2007 aux côtés de TP, sort à peine de Fullerton State. Pas trop de défense à son programme à l’époque, mais une grosse boulimie de shoots. Avant d’aller briller en NBA, Bruce récidivera à Evreux la saison suivante (top-scoreur de Pro B encore à 29,1 pts) avant d’être coupé, deux saisons plus tard, par Besançon, alors en Pro A, qui le trouvait insuffisant… en défense !
Les Trophées de la Saison 1993-94
M.V.P. Français : Antoine Rigaudeau (Cholet) | Meilleur Marqueur : Mike Jones (Cholet) – 24.3 pts | |
M.V.P. Etranger : Michael Young (Limoges) | Meilleur Rebondeur : Brad Sellers (Sceaux) – 10.8 rb | |
Entraîneur de l’Année : Bozidar Mljkovic (Limoges) | Meilleur Passeur : Delaney Rudd (ASVEL) – 7.8 pd | |
Meilleur Jeune : Alain Digbeu (ASVEL) | Meilleur Contreur : Cedric Lewis (Montpellier) – 2.5 ctr | |
Défenseur de l’année : Richard Dacoury (Limoges) |
Seize ans après la disparition de Joeuf, coaché par un George Fisher qui se fera ensuite un nom du côté d’Orthez, et de l’incroyable scoreur Bob Thate (38,9 pts avec Nilvange en 1973), un club Lorrain retrouve l’élite du basket français. Le SLUC, présidé depuis 20 ans déjà par feu l’inamovible président Jean-Jacques Eisenbach, atteint donc enfin le nirvana après nombre d’essais ratés d’un cheveu.
Nancy et la SIG allaient passer cette saison dans un mano à mano acharné. A deux journées de la fin, Strasbourg accueille le SLUC à la Halle Tivoli, en le devançant alors d’une longueur. Une victoire et voilà la montée en poche. Mais Olivier Veyrat et sa troupe refusent d’abdiquer et l’emportent (71-66) au terme d’un combat acharné. Lors de l’ultime journée, le SLUC doit absolument l’emporter à Besançon, alors 5e, pour conserver son avantage sur Strasbourg au point-average (+7). Plusieurs milliers de fans lorrains font le déplacement dans le Doubs et assistent, ivres de joie, à une démonstration de James Banks (38 points) et ses partenaires qui l’emportent finalement de 30 points (112-82).
SIG et SLUC se retrouveront, 11 ans plus tard, à Bercy au printemps 2005, pour une Grande Finale qui sacrera les Alsaciens, Nancy devant attendre trois ans (et deux finales perdues !) de plus avant d’être sacré en 2008. Mais pour le SLUC, encore sacré en 2011, l’aventure a bien débuté en ce printemps 1994…
Les Trophées de la Saison 1993-94
M.V.P. Français : Bruno Hamm (Strasbourg) | Meilleur Marqueur : Bruce Bowen (Le Havre) – 28.1 pts | |
M.V.P. Etranger : James Banks (Nancy) | Meilleur Rebondeur : Darren Guest (Caen) – 13.1 rb | |
Entraîneur de l’Année : Non attribué | Meilleur Passeur : Daniel Dos Anjos (Lourdes) – 7.6 pd | |
Meilleur Jeune : Non attribué | Meilleur Contreur : Derrick Lewis (Mulhouse) – 3.6 ctr |