1987 marque un tournant dans le paysage du basket français. La FFBB décide de lancer le Comité des Clubs de Haut-Niveau (CCHN), ancêtre de la LNB, afin de régulariser les flux financiers des clubs évoluant en première et deuxième division, et offrir un statut de professionnel aux joueurs y évoluant. Retour sur la première journée de ce nouveau championnat.
Le temps, c’est de l’argent. En 1987, on a enfin, des moyens mis sur la table pour permettre aux joueurs de s’entrainer correctement, aux coachs de préparer les rencontres. « Tu as plus de temps pour t’entrainer, tu fais de la musculation, ça devient plus dense dans la peinture et on observe beaucoup plus l’adversaire : on a le temps. On fait de la vidéo. Les coachs ont des gens à disposition. Ça devient une vie. Pour tout le monde, cette vie au quotidien devient celle qu’on avait en équipe de France, dix ans avant». Tous ces changements vont faire basculer le basket français dans une nouvelle ère, celle du professionnalisme et inciter les clubs à se structurer pour répondre à des exigences liées à leur nouveau statut.
L’an 1 de ce CCHN, qui deviendra en 1990 la LNB, hérite d’un prestigieux champion de France, Orthez, mais aussi de l’équipe en vogue sur la décennie, et la suivante, le CSP Limoges. Ces deux équipes se présentent sur la ligne de départ avec l’ambition d’être le tout premier champion de cette nouvelle ère. Des outsiders sont en embuscade derrière ces deux gros clubs (Racing Paris, Cholet, Monaco, Antibes, ASVEL) pour également se frayer un chemin vers le titre.
Des favoris bousculés
Le championnat débute le 19 septembre 1987, et pas forcément de la meilleure des manières pour le CSP Limoges et l’Elan Béarnais Orthez, qui se voient chahutés par leurs adversaires du jour. Si Orthez l’emporte de deux points en déplacement à Lorient (96-98), le CSP échoue contre Cholet par la même marge (73-75), à Beaublanc.
A Lorient, le trident Bruno Lejeune, Ed O’Brien et Reggie Hannah (62 points cumulés) ont mené la vie dure aux béarnais, qui doivent leur salut à Paul Henderson et Howard Carter (22 points chacun), et une belle réussite à 3 points (7/13), à une époque où cette option offensive n’est utilisée qu’avec parcimonie.
Cholet, pour sa deuxième saison dans l’élite affiche ses ambitions et marque les esprits avec une victoire de référence dès la première journée, en s’offrant le CSP Limoges. C’est le lévrier des Mauges, Graylin Warner, bien secondé par son meneur Valéry Demory (18 d’évaluation chacun) qui porte sur ses épaules Cholet vers la victoire malgré l’effectif pléthorique de Limoges (Clarence Kea, Don Collins, Richard Dacoury, Stéphane Ostrowski, Gregor Beugnot, Hugues Occansey, Jacques Monclar…). Le regretté Jean Galle en profite pour lancer un petit jeune, qui deviendra une référence du championnat de France : Jim Bilba. Les limougeauds prendront leur revanche en finale du championnat face aux mêmes joueurs des Mauges.
Des performances XXL
Cette première journée de championnat réserve aussi des moments de spectacle, avec quelques performances individuelles ou collectives marquantes.
On peut signaler la large victoire de Monaco à Avignon (113-77), où pas moins de 6 joueurs ont scoré entre 13 et 20 points. Le danger est venu de partout pour stopper l’offensive de l’ancien joueur de North Carolina State, Mike Giomi (32 points et 10 rebonds). A noter les 16 points de Jean-Aimé Toupane et le 2/2 aux lancers-francs de Robert Smith. Oui ! Ce 2/2 marque le début d’une longue série aux lancers pour Robert Smith, qui le verra en concrétiser 99 sur 100 cette saison-là, record qui tient toujours.
Dans le match opposant St Etienne à Mulhouse, remporté par les visiteurs 100 à 103, Ron Davis s’est illustré avec 39 points à 16/22 aux tirs. Le mulhousien n’était pas seul à jouer, accompagné par Greg Johns et Curtis Kitchen. Pour St Etienne, Danny Pearson (25 points), Lionel Rigo (22 points) ont opposé une belle résistance, avec le soutien d’Eddy Pope (30 points et 15 rebonds, mais 14/33 aux tirs).
La performance de la soirée revient toutefois à Tracy Foster, de Vichy, auteur de 49 points et 42 d’évaluation, avec 8/13 à trois points et 13/15 aux lancers-francs. Vichy s’incline malgré tout 92-89 contre Nantes, porté par son duo Billy Reid (26 points et Andy Fields (17 points et 10 rebonds).
La relève française
Si majoritairement ce sont les étrangers qui se mettent en exergue sur les différents matchs, le jeu étant orienté vers eux, quelques jeunes français commencent à pointer le bout de leur nez. A commencer par les deux jeunes joueurs de Caen, Franck Butter et Frédéric Forte, qui écriront l’une des plus belles pages du basket français quelques années plus tard avec le CSP Limoges. Caen va toutefois échouer en déplacement à Antibes 92 à 74.
Si Frédéric Forte ne brille pas par ses statistiques (3 points et 2 passes), il est à noter qu’il n’a que 17 ans au moment de la rencontre, et qu’il inscrit le seul et unique trois points du match pour les normands ! Franck Butter, un peu plus expérimenté (24 ans) se montre à son avantage avec 8 points et 8 rebonds, mais c’est bien Albert Irving (19 points) et Dwayne McClain (16 points) qui alimentent la marque de Caen. Côté vainqueurs, Kevin Figaro finit avec 24 points et 6 passes, mais c’est surtout le jeune Christophe Soulé (22 ans), en provenance de Toulouse en Nationale 2 qui marque les esprits avec 26 points et 4 passes.
Au-delà des jeunes pousses, les tauliers sont encore présents, comme le démontrent les 16 points du tireur d’élite Hervé Dubuisson lors de la victoire étriquée 93 à 92 du Racing Club de France Paris face à Reims. Les franciliens, ambitieux, présentent un effectif complet avec notamment Brook Steppe, auteur de 29 points sur cette rencontre, les naturalisés Skeeter Jackson et Ernie Signars, ou encore Pierre Bressant (absent sur cette rencontre). Et il fallait bien une équipe soudée pour repousser les joueurs rémois portés par Alex Brady (26 points), bien servi par le revanchard Eric Lecerf (10 passes décisives), non conservé à l’intersaison par le Racing.
Un mauvais tour pour l’ASVEL
Le dernier match de cette première journée made in CCHN voit Tours recevoir l’ASVEL. Au même titre que Limoges et Orthez, les villeurbannais sont en mission pour garnir leur Maison des Sports d’un nouveau trophée. Malgré le match solide de Norris Bell (24 points et 7 rebonds) et de Willy Redden (19 points et 9 rebonds) pour l’ASVEL, c’est bien l’équipe de Tours, amenée par Ken Dancy et Carl Nichols (17 et 18 points respectivement) qui va s’imposer 79 à 75. Cozell McQueen grapille 16 rebonds pour Tours, son énergie débordante offre des deuxièmes chances à ses coéquipiers qui n’en demandent pas tant pour crucifier l’ASVEL. Ces deniers ont eu un manque d’adresse préjudiciable (5/12 aux lanciers-francs et 2/11 à 3 points) qui ne leur permet pas de s’imposer sur les bords de la Loire.
Malgré leur défaite initiale lors de cette première journée, ce sont bien les joueurs du CSP Limoges qui soulèveront le trophée, prenant leur revanche sur Cholet en deux manches en finale. Mais le plus important reste dans cette date, le 19 septembre 1987, où le basket français a basculé dans une autre dimension, celle qui l’amène à professionnaliser ses structures, ses joueurs, ses entraineurs.