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ITW Nicolas Lang, nouveau recordman à 3-points : “Ça fait partie des moments où tu te poses un peu et tu repenses à toute ta carrière”

Nicolas Lang est devenu le détenteur du record du nombre de paniers à 3-points en LNB, depuis sa création en 1987, lors de la victoire du Limoges CSP contre l’Élan Chalon, le vendredi 1er novembre. De l’Élan Chalon à Limoges, en passant par le Paris-Levallois, l’ASVEL et Strasbourg, l’Alsacien revient sur son record, sa carrière, sa saison et ses aspirations pour la suite. Entretien.

Nicolas, tu es officiellement devenu donc le détenteur du plus grand nombre de tirs 3-points inscrits dans l’histoire de la LNB le vendredi 1er novembre dans la victoire de Limoges contre Chalon. Qu’est-ce que ça t’inspire?

Je pense que c’est la fierté. Je suis quelqu’un qui est tourné vers le prochain match, qui ne regarde pas trop en arrière. J’arrive assez vite, même quand je change de club, à oublier ce qu’il s’est passé avant et à vite me tourner vers un nouveau challenge. Saison après saison, je me tourne vers de nouveaux challenges parce que je suis conscient que tu ne peux pas dans ce milieu, si tu veux essayer d’être bon, trop rester dans le passé, que tu aies fait des bonnes choses ou des mauvaises d’ailleurs. Mais là ça fait partie des moments où tu te poses un peu et tu repenses à toute ta carrière, tous les clubs, tous les paniers, tous les moments compliqués. Quand tu te disais : “Est-ce que ça vaut vraiment le coup de continuer à m’entraîner ?” Et au final, c’est un peu là où tu as ta réponse quoi, ça vaut le coup. Ça m’inspire un peu tout ça sachant qu’il me reste encore de nombreuses années. Donc ça n’est pas non plus le moment de penser qu’à ça et il y a encore d’autres challenges qui arrivent.

Est-ce qu’il y a des shooteurs qui t’ont inspiré en grandissant et est-ce qu’il y en a avec lesquels tu as joué au début de ta carrière, dont tu as appris potentiellement aussi, dont tu t’es nourri ?

Oui j’ai appris de tellement de personnes au final. Je suis capable de regarder un match de N2, de N3, peu importe s’il y a un bon shooteur ou un bon joueur, je suis capable de prendre énormément de choses, peu importe le niveau on va dire. Après bien sûr tu regardes plus le très haut niveau. Mon père il me montrait des Pistol Maravich, Larry Bird, des gars comme ça mais pour moi c’était plus du pull-up à 2-points. Je regardais beaucoup Kobe Bryant. Je pense que Steph Curry a totalement changé le jeu. Avant, un shooteur, tu allais être dans un coin, et c’était vraiment quand tu étais tout seul qu’on allait te donner la balle, que t’avais des mecs qui savaient jouer au basket, ils allaient te la sortir et toi t’allais être seul. Je pense que lui il a changé le jeu en rendant ça à nouveau un peu cool. Même moi, les shoots que je prends maintenant, que ce soit après le pick (and roll) derrière les écrans, des fois à 2 ou 3 mètres derrière la ligne, totalement désaxé, ce sont des shoots qu’à l’époque on ne m’aurait pas laissé prendre. Maintenant, tu te rends compte qu’un très bon shooteur donne également beaucoup d’opportunités pour ses coéquipiers. Parce que du coup la défense est focalisée là-dessus, ça vient des fois à deux, on ne veut pas le laisser shooter. Tu n’es pas simplement en bout de chaîne. Je pense qu’à un certain niveau, si tu es réputé shooteur, l’histoire du bout de chaîne, c’est utopique, ça n’arrive plus.

Qu’est-ce que ça exige en fait au quotidien en termes de préparation physique, mentale, un tel exploit, et quelle est la clé selon toi de ta réussite?

Je dirais qu’il y a trois phases. Quand t’es tout jeune, c’est vraiment essayer d’avoir les meilleures bases possibles, avoir ton geste, pas faire 5000 shoots alors que ton geste n’est pas encore totalement figé, fixe.

Quand je dis ton geste, ça évolue sans cesse, moi-même j’évolue encore. Ma base elle est fixe depuis bien longtemps. Quand tu as une bonne base, c’est quand tu es en centre de formation, et même jusqu’à 27-28 ans, tu es encore en pleine forme. Là c’est beaucoup de répétitions. Je me souviens, je me faisais un challenge sur ça, j’arrivais souvent 1h30-2h avant l’entraînement, je repartais 2h après, tu n’as pas de famille, tu es tout seul, tu n’as que ça à faire au final. C’est vraiment des moments où t’es seul dans une salle et tu dois enchaîner de la répétition. Depuis le Covid, j’ai un peu repensé le truc. Le podcast de J.J. Reddick m’a apporté beaucoup de choses. J’ai toujours eu des routines. Mais est-ce qu’au final, faire 5000 shoots tout seul les pieds dans le ciment, est-ce que ça m’aide en match ? Est-ce que ce n’est pas mieux d’en faire 20 en sortant d’un écran en condition de match ? Et donc en fait, j’ai totalement repensé ma routine. J’ai mis ça à la fin des entraînements pour être déjà fatigué. Je n’ai quasiment jamais séché la routine à part en cas de blessure ou quelque chose comme ça. Mais ce n’est pas parce que je suis fatigué que je me dis ”bon allez je suis fatigué je ne vais pas la faire”. Selon le jour de la semaine par rapport au match, j’ai un programme spécifique. La veille de match c’est plus court mais je fais des shoots avec contact, j’essaye d’avoir quelqu’un qui me touche les bras ou des choses comme ça. Après il y a beaucoup de choses sur le côté que j’appelle holistique. Mon psychologue du sport m’a beaucoup aidé de ce côté là, le travail collectif, le sommeil, la nutrition… Ce sont des choses que j’ai développé beaucoup plus tard. J’ai refait aussi après le Covid une grosse prépa cardio, on avait le temps d’ailleurs. Je me suis demandé si je n’avais pas pris ce côté cardio pour acquis. Sur certaines fins de match, je me trouvais un peu fatigué alors qu’à la base je suis quelqu’un qui a quand même un bon cardio. L’été, le cardio ça reste quand même quelque chose (d’important), même si je ne suis pas non plus marathonien.

L’exemple de Chris Paul

[…] Léo Westerman, quand il jouait à Kaunas, je lui avais demandé comment le shooteur Arturas Milaknis s’entraînait, comment (Sarunas) Jasikevicius voyait le travail individuel à Kaunas. J’ai la chance d’avoir Léo aussi, parce qu’il a joué avec beaucoup de grands joueurs, de grands entraîneurs. “Grand joueur” ça ne veut pas forcément dire “énorme travailleur”. Mais il a pu me donner des infos sur des choses propres à certains joueurs. Après je le teste pour moi, des fois je vais le prendre, des fois je ne vais pas le prendre. JJ Reddick a interviewé Chris Paul et il lui a parlé des routines d’entraînement après. C’est un peu là où j’ai pris le truc en me disant “c’est vrai que c’est plus court mais ce n’est pas bête de faire comme ça”.

Le record a été battu contre Chalon, c’est le club où tu as été en centre de formation, où tu as lancé ta carrière professionnelle. Est-ce qu’il y a un symbole particulier ?

Ouais bien sûr, après cela pu être à Strasbourg. Au final ce ne sont pas des choses dont tu te souviens tard je pense. La vie passe tellement vite. Là on en parle un peu mais dans 15 jours t’oublies. Les JO Paris 2024, c’était le truc le plus important de l’histoire. Là j’ai l’impression que est 3 mois plus tard, c’est fini. A partir du moment où t’as compris que dans le sport tout va très vite, je pense que t’arrives à tourner un peu plus vite la page sur les mauvais moments et même sur les bons moments. C’est important d’en profiter aussi. Mais comme je le disais il faut réussir à tourner la page super vite parce que c’est aussi ça. Quand j’étais plus jeune, après un bon match je kiffais. Tu te sens bien quoi. Et en fait, tu fais le yo-yo entre t’es bien / t’es pas bon / t’es bon / t’es pas bon. Peu importe l’adversaire, je ne suis jamais (trop confiant). J’avais lu un livre de Nadal, il perdait rarement les premiers tours car il était rarement trop sûr de lui. Il faut avoir confiance mais ne pas se préparer (à une victoire assurée) parce que tu penses que tu joues un premier tour et tu as gagné 50 fois Roland Garros. C’est un truc que j’essaie toujours de trouver, cette bonne pression. Il faut du relâchement pour être un bon shooteur. Mais pas non plus en mode zéro pression. J’ai besoin d’avoir de la pression pour bien jouer. […] Là je cite Nadal mais il y a énormément de trucs que j’ai pris… J’ai écouté énormément de podcasts, lu des livres, ça peut très bien être quelqu’un de totalement lambda qui a une boîte de nettoyage de carreaux et qui parle de gestion de la pression.

Est-ce que t’es pas content de mettre ce sujet du record derrière toi, parce que je sais qu’on t’en a beaucoup parlé.

Si clairement ! C’était une distraction pour mon équipe déjà. C’est sympa mais pas non plus 15 semaines. C’est vrai que depuis le début de saison on me dit : “Tu vas le passer contre Chalon, tu vas le passer contre eux.” Avant Strasbourg, on me disait “il t’en reste 3, tu vas arriver c’est sûr”. On t’en parle un peu comme si c’était simple. A un moment donné, il t’en reste 15 à mettre, on te dit : “C’est bon en trois matchs c’est fait”. Je suis content parce que j’ai bien géré le truc. Je n’ai pas pensé à ça. Même avant Strasbourg on n’a pas été bon, on a perdu. Mais j’étais avant toute chose concentré sur le fait (d’être bon). Ils m’ont fait aller aux lancers francs, je pense que eux l’avaient un peu dans le coin de la tête. A aucun moment j’ai shooté 5 fois à 3-points, alors j’ai pris des shoots compliqués, mais je ne me suis pas arrêté au milieu de terrain alors que j’avais un pull-up à 2 points. Il ne faut pas non plus que ce soit du cirque, je respecte trop le basket pour essayer de forcer un truc. Si le jeu ne veut pas ça, tant pis, c’est venu quand c’est venu. Mais hors de question que je force une situation juste pour battre un record qui tombera forcément.

“J’ai besoin d’aimer jouer au basket”

Est-ce que cela t’embête d’avoir cette étiquette de shooteur dans le sens où tu pourrais être considéré comme un joueur bien plus complet que ça ou au contraire tu apprécies le fait d’être considéré comme un sniper d’exception ?

Ça m’a embêté parce que de temps en temps, on te met dans une case, mais dans le sens où on ne te laisse pas faire autre chose. En fait, ce que les gens pensent, au final, je m’en fiche. Mais tant que tu me laisses prendre du plaisir à faire ce que j’aime… Quand je joue en équipe de France pendant les fenêtres, que je me focus sur le fait d’être efficace à 3-points en bout de chaîne, je fais ça pour l’équipe de France, mais je ne pourrais pas jouer comme ça toute l’année. Ce n’est pas là où je prends du plaisir. Tu me mettrais en EuroLeague, alors oui tu gagnes dix fois plus d’argent, mais ça ne me ferait pas kiffer. C’est un tout. J’ai besoin d’aimer jouer au basket. J’ai besoin de jouer des post-ups parce que ça me rend heureux d’en jouer. De jouer des pick’n roll parce que ça me rend heureux d’en jouer. Après, si à la fin, au final, je me considère comme shooteur, non, ça ne me va pas très bien parce que je sais que tout part de mon shoot. Si je peux aller au post-up, je vais shooter. Après un pick, mon premier but, c’est de shooter, et en fait ce shoot va nourrir toutes les autre choses, ça va m’ouvrir des espaces pour mes coéquipiers etc. Si on me dit que je shoote mieux que je ne drive, ça je ne suis pas bête non plus (sourire), mais par contre si tu me dis qu’on a du me mettre shooteur parce que je ne pouvais vraiment rien faire d’autre… (rires). Il y a des mecs qui sont considérés comme bons défenseurs, mais ils ne sont même pas forcément super bons défenseurs, c’est surtout qu’ils ne savent vraiment rien faire d’autre. Jusqu’à un certain point ça m’a un peu saoulé, parce que même tu vois quand on faisait des 1 contre 1 à la fin des entraînements quand j’étais plus jeune, bah je gagnais en fait. Et tu te dis, pourquoi on ne me laisse pas faire plus? Quand tu es expert dans un domaine, et je comprends aussi les coachs, ils se disent (qu’ils vont exploiter cette force). Quand j’étais à Chalon, il y avait Blake Schilb à droite, Malcolm Delaney à gauche, Steed (Tchicamboud) au milieu, tu ne vas pas jouer des pick and roll. Là avec des joueurs comme ça en bout de chaîne tu t’en fiches parce que tu sais que tu vas avoir des ballons. Le problème c’est quand on te met en bout de chaîne et qu’on te dit que tu vas avoir des ballons alors que les joueurs ce n’est pas Blake Schilb en fait. Et ça j’en ai connu un paquet et c’est souvent un peu réducteur. Parce que le joueur est un poste 2 américain, on pense qu’il va créer pour toi. Ce n’est pas vrai ça. […] Après, c’est aussi à toi de travailler parce que moi, les post-ups j’ai toujours aimé ça, j’ai toujours maîtrisé ça, mais pendant longtemps, on ne m’a pas laissé en jouer. Mais j’aurais très bien pu arrêter de les travailler. J’ai vu des mecs qui faisaient des moves (après les entraînements), je savais qu’ils ne pouvaient pas les passer en match. Et même moi, je les jugeais en me disant : “Pourquoi il fait ça, il ne va pas le faire.” Mais moi, je faisais exactement pareil pour les autres mouvements et si on m’avait vu on aurait dit : “Qu’est ce qu’il fait, il ne va pas aller jouer (en post-up) ?” Et moi je me suis toujours dit qu’un jour j’aurais surement un coach qui aurait besoin de ça parce que je fais quand même 2 mètres et il y a des mecs de 1,90 m en face. C’est ça ce qui me rendait fou. Quand tu voyais un meneur américain qui te pointait du doigt pour t’attaquer, tu te disais : “Il a totalement raison”. Si j’étais lui je ferais pareil en fait je suis plus rapide que lui en face. Et moi on me mettait dans un coin avec le gars et j’avais pas le droit de l’attaquer en fait. Quand j’essayais d’expliquer ça, des fois les gars ne comprenaient pas. Il fallait montrer que j’avais un mismatch.

Statistiquement tu fais ta plus belle saison jusqu’ici en Betclic Elite. Comment est-ce que tu expliques la forme dans laquelle tu es à 34 ans ? Est-ce que tu t’attendais à performer de la sorte sur ce début de saison? Avec un nouveau coach en plus, Jean-Marc Dupraz.

Je l’ai quand même déjà eu sur la fin une saison derrière, à partir de janvier. Déjà cet été je savais comment il était, je connaissais l’effectif, avec beaucoup de jeunes joueurs. Statistiquement, il faut toujours faire un peu attention. L’année dernière, au Portel je suis malade je décide de jouer, je joue que 15 minutes, je mets 0 point, ça te plombe toute la saison. Au final, tu regardes que les stats (cette saison), tu te dis, il a 2 points de moyenne en plus. Tous les joueurs, quasiment dans une saison, ont ça sur un match. En soi, cette saison j’ai loupé beaucoup de points faciles que j’aurais dû mettre. On va dire que pour les stats il faut vraiment que tout aille dans le bon sens.

Et au niveau du temps de jeu aussi, tu n’as jamais autant joué.

C’est ce que j’allais te dire, j’en parlais encore avec mon père, tu peux faire ce que tu veux, tu peux être le joueur que tu veux, tu peux être le travailleur que tu veux, tu ne seras jamais aussi bon que le coach te laisse sur le terrain. […] Je prends soin de mon corps aussi pour pouvoir jouer ça. Je ne serais jamais le gars qui va dire au coach : “On a perdu , j’ai un peu trop joué donc j’étais un peu trop fatigué au quatrième quart-temps”, même si des fois c’est vrai. J’ai joué 43 minutes contre Le Mans mais à aucun moment je vais trouver ça comme excuse parce que pour moi c’est mon boulot d’être en forme. Je veux des responsabilités, je veux jouer, si on perd je veux avoir les responsabilités de la défaite.

T’as tout gagné ou presque, t’as tout connu en Betclic ELITE, que ce soit les titres de champion de France, les Coupes de France, les sélections au All-Star Game etc. Qu’est-ce qui te reste comme objectif individuel et collectif ?

J’aimerais gagner quelque chose avec Limoges. J’aimerais déjà essayer de rejouer les playoffs régulièrement. On avait des soucis l’année dernière entre les victoires enlevées. Il y a deux ans on a fait une mauvaise saison, il y a 3 ans avec une équipe pas forcément attendue on a fait quatrième c’était une super année. Les playoffs en Betclic ELITE à part sur les 3-4 meilleures équipes qui sont sûres d’y être, derrière tu as toujours 3-4 équipes qui sont un peu plus ou moins des surprises. Et j’aimerais vraiment rejouer les playoffs régulièrement, même si je sais que c’est une année de transition avec tous les soucis qu’il y a eu au club. Mais il y a deux choses, il y a ce que le club veut et ce qui fait le sens d’ailleurs. Et il y a toi en tant que joueur qui est compétiteur et chaque match tu le prends pour gagner. Peu importe contre qui tu joues et essayer d’aller le plus haut possible. Mais oui j’aimerais gagner quelque chose avec Limoges pour rendre aux fans et au club.