Avec 19 points de moyenne à 20/36 à 3-points, Nicolas Lang réalise un superbe début d’exercice pour sa sixième saison sous le maillot limougeaud. Mieux, le sniper lancé chez les professionnels à l’Élan Chalon est en passe de ravir le record du nombre de tirs primés inscrits en carrière à une autre légende de notre championnat de France, Eric Micoud. Nous sommes allés à la rencontre de l’ancien tireur d’élite de Strasbourg, Cholet et Paris, aujourd’hui reconverti dans une carrière de consultant à la télévision, pour évoquer la chute imminente de ce record vieux de 20 ans.
Avec 753 tirs à 3-points inscrits en carrière, Nicolas Lang n’est plus qu’à 2 longueurs de votre record (755). Qu’est ce que cela vous inspire ?
Pour être honnête, je n’avais pas pleinement conscience de ce record, donc je n’y accorde pas vraiment d’importance. En tout cas Nicolas Lang est bien parti pour l’exploser. La différence entre lui et moi, c’est que lui évolue sur le poste d’arrière-shooteur alors que moi j’étais meneur. Et à l’époque ma propension a shooter derrière l’arc m’était parfois reprochée, parce qu’on n’avait pas l’habitude de voir des meneurs tirer autant de loin. Aujourd’hui c’est presque devenu la norme. Moi j’étais un deuxième arrière qui voulait prouver qu’il pouvait être un meneur. Et pas qu’un shooteur. Pour autant j’ai fait ma carrière là-dessus. Sur ma capacité à shooter à longue distance. C’est ce que je dis souvent aux jeunes. Si t’as un shoot, tu trouveras toujours une place dans une équipe.
Tu as fait de gros dégâts en match, mais aussi au All-Star Game et notamment lors du concours à 3-points…
C’est vrai. J’ai gagné deux concours à Bercy en 2001 et 2003. Et si j’avais moins fait la fête la veille de ma troisième participation, j’en aurais sûrement gagné un de plus. Mais au final c’est Ludovic Chelle qui remporte la mise avec un bon score. C’est d’ailleurs ma seule défaite en concours. J’en ai disputé beaucoup lorsque j’étais en High School aux US, et j’en avais jamais perdu jusque-là.
L’évolution récente du jeu génère davantage de tirs longue distance qu’à votre époque. Que pensez-vous de l’importance prise aujourd’hui par le tir à 3-points ? Auriez-vous aimé jouer à notre époque ?
Le jeu a évolué. Les shooteurs recommencent clairement à avoir la cote, et parmi eux les joueurs qui tentent leur chance un grand nombre de fois derrière l’arc. Et ça on le doit notamment au phénomène Stephen Curry en NBA. Moi je prenais 7 ou 8 tirs derrière l’arc par match, mais je n’en prenais pas d’autre. Un nombre total de tentatives tout à fait normal pour un joueur majeur. Et pourtant j’étais critiqué pour ça, parce que je finissais à 3 sur 9, ou 4 sur 10 et que ça faisait un gros volume de tirs à 3-points par rapport aux autres joueurs. Heureusement que j’ai eu des coachs comme Eric Girard à Cholet, qui m’ont encouragé à jouer de cette manière. Mais pour revenir à la deuxième question, je suis dégoûté de ne pas avoir évolué dans le basket actuel.
Quels sont les snipers qui vous ont inspiré dans votre jeunesse ?
En championnat de France, j’aurais du mal à en retenir un en particulier. Celui qui me vient à l’esprit au niveau du tir, et pourtant à l’époque il était davantage reconnu pour ses qualités athlétiques, c’est Ray Allen. On avait l’habitude de jouer contre Connecticut quand j’étais à Georgetown, et il n’avait pas encore fini de développer son tir, mais il était déjà impressionnant.
Quels sont les ingrédients pour faire un shooteur d’exception ?
La répétition. C’est pas plus compliqué que ça. Il faut un gros volume de tir. La gestuelle tu peux toujours la faire évoluer, mais ça reste secondaire. Tu modifies pas le geste d’un mec qui met dedans. Le secret c’est la répétition. Et quand je shootais, je savais qu’il y avait plus de chances que ça rentre que je fasse un air ball. J’avais confiance en moi. Le mental est fondamental aussi. C’est là-dessus que les Américains ont un avantage d’ailleurs. Ils sont convaincus d’être les meilleurs. Et c’est un cercle vertueux. La confiance te permet de mettre tes tirs, qui viennent en retour alimenter cette confiance.
Faut-il aussi bien se connaître et savoir quels sont ses spots sur le parquet pour maximiser ses chances de réussite ?
Bien sûr. Il faut savoir d’où on est le plus adroit, le plus à l’aise. Mais ça vient un peu inconsciemment. Moi par exemple j’étais un peu perdu dès que je passais la ligne à trois points, au point de faire un jour un air ball sur un floater (rires). J’avais une confiance limitée dans ma capacité à attaquer le cercle. Donc je restais au large.
Si le volume de tirs pris va en augmentant, avez-vous pour autant l’impression que la France forme davantage de shooteurs qu’il y a 15 ou 20 ans ?
Je ne suis pas certain qu’on shoote mieux aujourd’hui. Il y a une volonté de former davantage de shooteurs, mais j’ai toujours le sentiment qu’on continue de privilégier le travail physique. Pourtant les jeunes ont tout ce qu’il faut à leur disposition pour bosser leur tir, avec des machines capables de leur renvoyer la balle, etc. Si seulement j’avais eu ça ! Moi à Saint-Vallier, où j’ai grandi, je donnais 5 francs à un gamin pour me renvoyer la balle pendant mes séances de shoot (rires). Concrètement, je ne sens pas un retournement de situation dans la formation. Je n’ai pas l’impression qu’on forme des spécialistes du tir. Je n’en vois pas qui sorte du lot. Il est où le joueur auquel on fera référence lorsqu’on pensera « shooteur » en France ?