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TJ Parker : « C’est ce que je leur dis toujours, chacun aura son soir »

Pour sa première saison complète en tant qu’entraîneur principal, TJ Parker a guidé LDLC ASVEL jusqu’au troisième doublé coupe-championnat de son histoire. Retour sur cette entrée en matière réussie.

20, comme le vingtième titre de champion de France décroché par Lyon-Villeurbanne, et 20/20 pour la note qu’on pourrait attribuer à cet effectif 2020-2021, emmené par TJ Parker à l’issue d’une saison également marquée par une victoire en Coupe de France.

Arrivé au club en 2013 en qualité d’assistant-coach, TJ Parker a franchi les étapes pendant sept ans, dépannant parfois en tant que coach intérimaire, avant de se voir confier les clés de l’équipe première à l’issue de la saison 2019-2020. A la tête d’un groupe fourni qui a fini par payer sur la longueur, le petit frère du président Tony Parker a donc débuté par un sans faute, permettant à Lyon-Villeurbanne de briller sur le territoire français mais aussi sur la scène européenne, l’autre grand défi du club rhodanien.

Avant de se plonger à fond dans la saison prochaine qui s’annonce encore pleine de défis avec notamment les arrivées de Victor Wembanyama et Elie Okobo, TJ Parker est revenu sur cet exercice 2020-2021 semé d’embûches mais couronné de succès, avec 19 victoires sur le 20 derniers matchs pour terminer en beauté face à Dijon en finale.

TJ Parker, on vous a vu très ému après la victoire en finale du championnat de France face à Dijon. Qu’est ce que vous avez ressenti à ce moment là ?

Ça a été une très longue saison, donc d’avoir accompli tout ce qu’on a pu accomplir cette année, que ce soit la Coupe de France remportée face à Dijon, notre parcours en Euroleague avec six victoires de suite, après avoir battu le Barça deux fois ou d’autres grosses équipes du championnat, et de pouvoir finir sur 12 victoires d’affilée, en enchaînant 19 victoires sur les 20 derniers matchs, c’était vraiment super. C’est la saison parfaite.

Vous avez bouclé votre huitième saison à l’Asvel, ce sont aussi tous ces souvenirs qui remontent à la surface ?

Oui bien sûr, tout a commencé il y a huit ans, lorsque Pierre Vincent m’a donné la chance de venir au club. Grâce à Tony aussi, qui venait juste de reprendre l’Asvel. C’est vrai qu’on avait vraiment planifié tout ça on va dire, avec Tony. Il me disait de vraiment passer toutes les étapes, bien apprendre et prendre mon temps pour le faire en étant assistant pendant suffisamment longtemps, et je l’ai été pendant huit ans. J’ai eu la chance de travailler sous les ordres de Pierre Vincent, JD Jackson et aussi Zvezdan Mitrovic. Ce sont trois personnalités différentes, donc ça a été vraiment enrichissant de pouvoir apprendre de chacun de ces coachs tout en me construisant ma propre identité.

Avez-vous savouré à sa juste valeur ce doublé coupe-championnat pour votre première saison en tant qu’entraîneur principal ?

C’est vrai que beaucoup de gens nous le disent, alors que peut-être on ne s’en rend pas trop compte, mais c’est extraordinaire ce qu’on a fait cette année. C’est historique pour le club, pas que sur le championnat, aussi en Europe. C’est un bon début, je savoure, mais je sais qu’il y aura tout autant de pression la saison prochaine et qu’il faut aussi se pencher sur le recrutement pour pouvoir faire la meilleure équipe possible. On prend quelques jours de vacances, même si on travaille un peu en même temps.

Qu’est ce que vous retiendrez de votre première saison complète en tant qu’entraîneur principal ?

Ce n’est pas facile, surtout lorsqu’on dispose d’un effectif élargi. C’est plus simple de gérer 8-9 joueurs, parce qu’ils savent qu’ils vont jouer. Mais quand tu as un groupe élargi, avec uniquement l’Euroleague à disputer et pas de Jeep Elite comme au début, c’était vraiment compliqué pour faire tourner. Il fallait aussi trouver un rythme avec certains joueurs. Si on avait eu la Jeep Elite et l’Euroleague d’entrée, ça aurait été beaucoup plus facile, et tout le monde aurait pu jouer. Donc ça, c’était vraiment compliqué.

Et puis les changements de plusieurs joueurs. Avec notamment Allerik Freeman au début, dont on sentait qu’il n’apportait pas les bonnes solutions. On a décalé Norris Cole en 2 pour prendre un autre meneur. On a pris Derrick Walton Jr, qui est arrivé un peu blessé, et qui a été out pendant un long moment. Et puis on a eu la chance de tomber sur Thomas Heurtel, qui est venu sur cette fin de saison pour se relancer et montrer qu’il était toujours en forme après sa blessure. C’est vrai que tous ces imprévus, ces changements d’effectif, pour finir sans tes internationaux, ça a été marquant.

Ça a été une saison où il a fallu s’adapter à tout. Mais les joueurs du groupe ont été sérieux et ont tous adhéré à la philosophie, que ce soit en attaque et en défense. Ce qui a fait que lorsqu’on en perdait certains, les autres étaient vraiment prêts pour les remplacer. C’est ce qui a été super sur la fin, même si ça n’a pas été facile dans l’année pour certains. Ils ont su rester forts mentalement.

La gestion des hommes est tout aussi importante que la tactique au final…

Bien sûr, que ce soit les discours que tu vas avoir, ce que tu vas leur dire, leur vendre, c’est vraiment important. On a des attentes d’abord collectives, qui sont les plus importantes, qui sont d’aller gagner des titres, et ça ils le savent quand ils viennent à l’Asvel. Mais les joueurs ont aussi des attentes. Un joueur reste un joueur et tout le monde veut jouer. Dans la réalité, il faut tout prendre en compte, y compris les blessures, gérer les moments où ça arrive. Au quotidien, c’est un gros travail.

Vous avez décroché 13 victoires en Euroleague. Faut-il rappeler que ça reste une grosse performance ?

Pour moi, c’est fort ce qu’on a fait. Les gens ne réalisent pas que la plupart des équipes en Euroleague ont des équipes qui ne bougent pas trop sur leurs effectifs depuis des années. Nous on est quand même repartis de zéro. Pas complètement, mais par rapport à ma philosophie de jeu qui était complètement différente de Zvezdan, que ce soit en attaque ou en défense, et avec des joueurs qui n’avaient pas trop d’expérience en Euroleague, c’était un gros challenge.

Il faut réaliser que c’est un processus qui prend du temps. C’est un autre niveau que la BetClic Elite, c’est différent. Tu joues des baskets avec des cultures différentes, que ce soit les Turcs, les Russes et autres. Et franchement, c’est un vrai résultat et j’espère qu’on pourra continuer comme ça même en étant le plus petit budget. Le créneau sur lequel on peut réussir en Europe, c’est sur la continuité, avec des joueurs qui peuvent rester au club afin de ne pas repartir à chaque fois de zéro. S’il y a une bonne base de joueurs qui reste, ça pourrait être moins compliqué d’avoir de meilleurs résultats en Euroleague.

Comment vous définiriez votre identité de coach ?

Dans la philosophie offensive, déjà d’aller vite vers l’avant, pour obtenir le panier le plus facile possible en attaque. Après, il faut bien sûr pouvoir s’adapter aux joueurs que tu as et de les faire briller sur leurs qualités premières, que ce soit dans les systèmes ou la façon dont l’équipe va jouer. L’équipe jouera différemment si c’est Moustapha Fall ou Ismaël Bako qui est sur le parquet par exemple. Que ce soit Guerschon (Yabusele), Amine (Noua) ou d’autres, tout le monde a son style. L’idée c’est de prendre leurs forces pour permettre de construire au mieux un collectif.

Défensivement, je crois beaucoup au concept de défense d’équipe. Défendre ensemble, avec cette intensité que nous nous devons d’avoir, du fait d’avoir une telle rotation. Ça use l’adversaire, surtout en BetClic Elite. Ça, c’est l’objectif numéro 1. On s’adapte aussi par rapport aux joueurs qu’on peut recruter.

La saison n’a pas été si simple en championnat. Vous avez longtemps couru derrière Monaco, Dijon et même d’autres équipes, comment avez vous évalué le parcours de votre équipe cette saison ?

Ça a été un peu dur. Encore une fois, on ne savait pas trop où on allait. On jouait un match, deux matchs par mois, c’était un peu bizarre. Au début, des équipes pouvaient choisir de jouer ou pas, et s’organisaient pour recevoir untel ou untel. On a mis du temps à se mettre en route. Avec Monaco et Dijon on forme un peu la locomotive du championnat sur les trois dernières années. On était juste derrière. Dès que l’Euroleague a été terminée et qu’on est passé en mode championnat, c’est là qu’on a su faire preuve d’un grand sérieux.

Vous finissez la saison régulière avec 16 victoires en 17 matchs, avec souvent de gros écarts. Vous sentiez que votre groupe était prêt avant d’aller à Rouen ?

C’est vrai qu’on avait pris une vraie dynamique, à jouer tous les deux-trois jours, même si on avait un peu pris l’habitude aussi avec l’Euroleague. Quand tu trouves cette dynamique avec tes joueurs, ça donne cette fin de saison parfaite. Là où on a été encore plus forts, c’est d’être partis sans nos cadres internationaux à Rouen. Les joueurs ont su jouer différemment. Quand on était avec Kevarrius Hayes et Ismaël Bako, on jouait des systèmes qui étaient davantage adaptés à leurs profils que lorsqu’on était avec Moustapha Fall ou Guerschon Yabusele. Il fallait vite s’adapter, et ils en ont été capables.

C’est cette dynamique portée par un groupe étoffé qui a fait la différence sur la fin ?

Sur la fin de saison, on a souvent tourné à 10-12 joueurs. On le voit dans les temps de jeu, ça a beaucoup tourné. Ce qui frappe aussi, c’est que tu sors un joueur, celui qui le remplace est aussi bon sur le banc. Quand aucun joueur ne joue plus de 25 minutes par match, à la longue, quand tu arrives sur une fin de saison, des playoffs, ça aide beaucoup. C’est ce qui a fait notre force et c’est ce qui doit faire qu’on puisse jouer sur les deux tableaux, en championnat et en Euroleague.

Ce qui ressort aussi de vos deux victoires à Rouen dans le Final Four, c’est la puissance défensive de cette équipe, peut-être la plus intense de votre saison ?

Sur le niveau Euroleague, il nous est arrivés d’être beaucoup plus intenses, mais en championnat, sans doute. On ne va pas se mentir, parfois en championnat, il y a pu avoir du relâchement et c’est normal. C’est beaucoup plus dur de motiver les joueurs pour aller affronter une petite équipe de Betclic Elite que pour aller défier le Barça, où la motivation sera là, quoiqu’il arrive. Ils sont restés quand même sérieux dans l’ensemble je trouve.

Et puis lorsque sont arrivées la demie et la finale, on savait qu’on devait tout donner. C’est ce qu’ils ont fait. Il a fallu aussi être présent sur l’ensemble de la saison et des joueurs comme Norris Cole, David Lighty, Antoine Diot, et tout le monde en fait, a été sérieux tout au long de l’année. Je dois même dire que je le niveau de l’équipe sur la fin ne m’a pas surpris. On le voyait aux entraînements, l’intensité était là dès qu’on tournait le bouton en mode « on ».

Jusqu’au bout aussi, il y a eu cette force du collectif, avec régulièrement des joueurs différents qui ont apporté, jusqu’à la fin. Est ce que ça n’a pas été le challenge le plus dur pour vous cette saison, de maintenir tout le monde impliqué ?

Déjà, l’attaque vient toujours de la défense. Quand tu mets cette intensité, que tu fais des stops, que tu gagnes des ballons, l’attaque viendra toujours derrière. L’attaque, c’est quelque chose qu’on a travaillé depuis le début. J’ai cette philosophie du passing-game, du jouer ensemble, c’est quelque chose avec lequel j’ai grandi, et en regardant aussi les Spurs qui étaient pour moi l’une des meilleures équipes des années 2000 dans le partage du ballon. C’est ce qu’on a vu sur les deux derniers matchs, notamment sur la demi-finale contre Strasbourg ou Norris Cole ne met pas un tir, finit à 0/9, mais ce n’est pas grave, il y a d’autres joueurs pour élever leur niveau.

On ne voit jamais de MVP, meilleur marqueur ou de joueur qui se distingue dans les stats, parce que chez nous, ces joueurs là ne peuvent pas jouer 35 minutes par match. C’est ce que je leur dis toujours, chacun aura son soir, son match et c’est ce qui fait la force de l’équipe. Tout le monde peut mettre 10-12 points, c’est aussi une force, d’avoir un groupe où tout le monde peut marquer. C’est ma philosophie. Des fois ce ne sera pas le soir d’untel parce qu’on aura un match-up à tel poste, sur lequel on va davantage attaquer, et ainsi de suite. Il faut arriver à le faire rentrer dans la tête des joueurs. Et dès que tu y arrives, c’est du pain béni, parce qu’à la fin de journée, ça reste un sport d’équipe, et on est plus forts à cinq que tout seul.

Qu’est ce que vous retiendrez de la finale, que Dijon avait bien entamé ?

Je me rappelle avoir pris un temps mort alors qu’on était à -7. On avait que des tirs ouverts, donc je leur ai simplement dit que ça allait finir par rentrer. Le seul truc, c’est qu’il fallait qu’on monte notre niveau d’intensité défensive, parce qu’ils étaient déjà à 25 points alors qu’il restait 7 minutes en deuxième quart-temps. Et dès qu’on a haussé le ton en défense, on a enchaîné les stops, et c’est là qu’on a créé l’écart. Sur les quatre dernières minutes avant la pause, on a engrangé une telle confiance qui est restée jusqu’à la fin. On a mis nos tirs, avec David Lighty et Antoine Diot à 3 points dès notre retour du vestiaire. Quand tu surfes sur une confiance comme ça, en défense en attaque, ça change le déroulé du match.

Aviez-vous un plan anti Holston, même si les forces de Dijon ne se résument pas à uniquement à lui ?

C’est vrai, mais il faut faire des choix. C’est aussi le cas en Euroleague, où on peut avoir des gros choix à faire. Il faut savoir le faire en tant que coach. Déjà contre Strasbourg, on avait très bien respecté le plan de jeu surtout défensivement où on avait été très bons, en fermant bien la raquette. Et sur Dijon, l’idée était de mettre Norris Cole et David Lighty sur David Holston et Axel Julien pendant tout le match. Et même sur les pick-and-rolls, j’avais demandé aux joueurs extérieurs de venir en aide. Je préférais être battu par d’autres joueurs qu’Axel et David. Ça a été un choix de coach, et ça a marché.

Vous aviez un effectif d’une grande qualité et on pourrait revenir sur chacun d’entre eux. Mais quel joueur vous a le plus impressionné cette saison ?

David Lighty. David, c’est mon joueur de toujours, j’ai une très forte amitié avec lui. Il n’y a même pas de mots pour décrire ce qu’il donne, que ce soit en dehors, sur le terrain. À l’entraînement, il est toujours à fond. Sur un terrain, il joue toujours pied au plancher des deux côtés. Il est tout le temps positif, à -10, à +10, à -15, dans le vestiaire… C’est juste quelqu’un d’extraordinaire. Et maintenant, que c’est fait, je suis ravi qu’on puisse le garder. C’est mon joueur, c’est mon capitaine et j’axe vraiment beaucoup de choses autour de lui. J’ai une grande confiance en lui. Quand tu lui donnes le ballon, tu sais qu’il va te le rendre à 100 %.

Avez-vous contribué pour le convaincre de rester encore un peu ?

Bien sûr ! Il y avait un choix qui était plus financier même si lui ne voulait pas trop partir. Il n’avait jamais touché autant que ce que l’Olympiakos a proposé. TP a décidé de faire des efforts, et si tel était le cas, David était partant pour rester. Lyon, c’est comme sa deuxième maison, je suis sûr qu’à la fin de sa carrière, TP va retirer son maillot, parce que c’est vraiment une icône à l’Asvel. Fidéliser des joueurs étrangers comme lui, ce n’est pas facile en France, donc c’est assez extraordinaire. Il y a souvent des joueurs en transition qui décrochent de plus gros contrats ensuite ailleurs. Lui, c’est sûr qu’il mérite tout l’argent qu’il a gagné.

Pour ce qui est de la saison prochaine pour conclure, vous allez également récupérer un certain Victor Wembanyama. Est-ce un défi extraordinaire pour vous ?

C’est le plus gros prospect qu’on a vu sur les 20-30 dernières années, c’est vraiment un joueur atypique. Il est super grand, il va falloir faire attention à son corps, il y aura une vraie préparation à suivre. Mais c’est un talent hors-norme. On peut déjà voir que le gamin a tout.

C’est un plaisir et c’est une chance, d’avoir un jeune joueur qui sera peut-être drafté numéro 1 d’une Draft NBA. Ça ne se reproduira peut-être jamais donc c’est vraiment un grand plaisir de l’accueillir. On sait que ça va être un énorme challenge, pour nous en tant que staff et pour lui aussi. Il va passer de Nanterre où on a vu qu’il était plutôt pas mal, on voyait qu’il progressait, à l’étape Euroleague, où il va devoir en montrer encore plus. Il est motivé, on a déjà discuté ensemble. Donc c’est un beau challenge des deux côtés.