Désormais une star du Paris Basketball, Nadir Hifi retourne samedi au Portel, où il a lancé sa carrière avec brio entre 2020 et 2023. Flashback.
Acte 1 : L’arrivée
Quand il débarque au Portel, en 2020/21, Nadir Hifi est un illustre inconnu, loin des radars du haut niveau. La SIG Strasbourg l’a eu dans sa section amateur pendant douze saisons, sans jamais lui tendre la main pour le secteur professionnel. Et sa seule expérience en centre de formation avait été un échec : six mois à Lille, avant un retour prématuré vers Illkirch-Graffenstaden. En 2020, le téléphone sonne pourtant de nouveau. Au bout du fil, Bertrand Van Butsele, le coach des Espoirs du Portel.
Acte 2 : Super scoreur en Espoirs
Alors que le Franco-Algérien débarque au Chaudron en juillet 2020, ses formateurs stellistes regorgent d’anecdotes sur sa folle éthique de travail. Quand ils arrivent à la salle, qui est déjà là en train de shooter ? Nadir Hifi, évidemment.
“Mon intégration au Portel s’est très bien faite”, racontait le Parisien en début d’année au micro de Zack Nani dans son émission Zack en Roue Libre. “Je pense que je n’aurais pas pu tomber tomber dans une meilleure ville niveau distraction. Il y a chez moi, la salle de basket et rien d’autre… Une jolie plage pour faire mon bain froid après l’entraînement. Je disais au coach Espoirs, Bertrand Van Butsele, que je voulais m’entraîner avec les pros. Dès qu’il y avait un spot, il a direct cité mon nom et j’ai pu faire toute la prépa avec les pros. Ça a eu une grosse influence sur moi : au niveau de la confiance, de la compréhension du jeu, j’étais prêt en retournant en Espoirs.” De fait, avec les U21, il “casse tout”, meilleur marqueur du championnat Espoirs avec 21 points de moyenne.
Acte 3 : Les débuts en pro
Avant même la fin de sa première saison au Portel, Nadir Hifi est lancé dans le grand bain : trois apparitions en Betclic ÉLITE, une première à Bourg-en-Bresse le 1er mai 2021, avec déjà (évidemment) un tir à 3-points.
Le symbole de premiers mois où il est presque trop porté vers le shoot, et la réussite individuelle. Kevin Poinsot, son coach en Espoirs, l’ouvre vers d’autres aspects du poste de meneur, notamment le pick and roll. Quand il s’arrêtera de jouer avec les U21, l’Illkirchois est le meilleur passeur du championnat Espoirs !
Son vrai acte de naissance chez les pros intervient le 23 janvier 2022 à Dijon. L’ESSM prend l’eau en première mi-temps chez la JDA et Éric Girard se retourne vers la coupe afro dépassant du banc. La meilleure décision de sa saison. “À Dijon, comme Lazeric Jones avait beaucoup de problèmes dans le match, on l’a lancé et bien nous en a pris’, disait le coach. “Ce qu’il montrait à l’entraînement était déjà assez intéressant mais honnêtement, pas plus que ça non plus. Or, là, il a vraiment donné l’éclaircie qui a tiré l’équipe vers le haut défensivement. Il continue maintenant de le faire. À Strasbourg, en une vingtaine de minutes, il a été très propre. Et contre Paris, il a commencé et surtout terminé le match, dans le money-time. Même si ça ne fait pas obligatoirement plaisir à certains anciens, il le méritait. On a eu le courage de le faire jouer dans les moments importants, de lui faire confiance, et il nous l’a bien rendu. Tant mieux, c’est bien pour le club.”
C’est effectivement le début d’une folle histoire : 8 points à Dijon, 9 points chez lui à Strasbourg, et la victoire en guise de revanche, 7 points face à Paris et enfin 15 points contre Roanne, pour aboutir à la signature de son premier contrat professionnel.
“Je prends de l’ampleur à la fin de l’année 2021”, disait Hifi pour Zack en Roue Libre. “C’est allé vraiment vite… J’ai fait mon premier match à Dijon où j’ai montré de très bonnes choses sur le terrain. Le match d’après, on joue à Strasbourg où j’ai un esprit de revanche, je veux gagner, le coach me met directement dans le cinq. Il ne me prévient pas, je comprends pendant la présentation des équipes mais j’ai répondu présent. On était derniers et on s’est mis à enchaîner les victoires. Je pense que j’ai apporté une autre énergie à l’équipe. En février 2022, je signe un premier contrat pro. Juste se dire que je suis devenu professionnel,c’est incroyable mais j’ai conscience que ce n’est que le début. J’ai des ambitions, des objectifs, je ne voulais pas m’arrêter là-bas.”
Acte 4 : L’explosion
De fait, Nadir Hifi ne s’est pas arrêté là. S’il revient fatigué de son été 2022, où il s’est trop éparpillé du goût d’Éric Girard entre le Quai 54 (MVP) et la sélection algérienne, l’arrière portelois retrouve vite son rythme de croisière. Un premier énorme carton (32 points à Strasbourg, forcément) le 2 décembre 2022 lance une série de huit matchs d’affilée à plus de 15 points. Le basket français découvre vraiment Nadir Hifi. La hype est lancée.
En décembre 2022 et avril 2023, il est élu MVP du mois en Betclic ÉLITE ! “Je n’ai jamais été encadré comme cette saison là au Portel. On avait toujours 6 jours pour préparer notre match. Mentalement physiquement, j’étais prêt tous les week-ends. Tout était organisé pour que je sois bon.“
De cette saison fabuleuse, il reste un chef-d’oeuvre : ses 39 points contre le… Paris Basketball le 31 mars 2023, agrémentés de 8 rebonds et 6 passes décisives. Et 44 d’évaluation. 39 points, personne n’a fait mieux en Betclic ÉLITE depuis… Avec, malheureusement pour Paris, un petit coup de boost involontaire né des propos d’Amara Sy. “Le mardi, trois jours avant le match, je visitais le chantier de l’Adidas Arena. Amara me dit : “Vendredi, va doucement, de toute façon on va te mettre un joueur sur toi et il va t’arrêter !” Moi, faut pas me dire ça. Ça a chauffé dans ma tête et tourné jusqu’au match… À la mi-temps, je suis à 11 points et on se croise dans le couloir. Il me regarde : “Alors, ça ne se passe pas comme prévu ?!” Je lui dis : “Tranquille, il reste 20 minutes…” Et je mets 28 points après la pause. À chaque panier, je le regardais. Il ne pouvait rien faire d’autre qu’encaisser !”
Acte 5 : Le divorce
Sous contrat jusqu’en juin 2024 avec Le Portel, Nadir Hifi comprend rapidement que Le Portel est devenu trop petit pour lui. Il rêve d’EuroLeague voire même de NBA. Mais ses adieux ne se passent pas comme prévu. Le chouchou du Chaudron n’a jamais pu dire au-revoir à son public, privé d’un dernier match contre Dijon pour avoir séché des séances d’entraînement.
En janvier 2023, il s’est justifié dans l’émission de Zack Nani. “On était en désaccord sur la somme nécessaire pour me libérer. Le Portel a voulu abuser de moi, me demander des sommes astronomiques. Je ne suis pas venu à l’entraînement, il y a eu des choses irrespectueuses vis-à-vis de mes parents.”
De quoi susciter une certaine amertume dans le Nord, à l’image de son premier entraîneur en pro, Éric Girard, qui se disait “exceptionnellement déçu” que sa pépite soit partie sans lui laisser un seul message. Une rancœur collective qui s’est étalée sur plusieurs mois, à l’image de la mini-polémique autour de la rétention de son trophée de MVP du mois d’avril 2024. « En août, je fais deux fois la demande à mon ancien club pour un envoi du trophée », avait twitté le Parisien en novembre 2023. « Pas de réponse. Il faut que mon agent s’en mêle pour avoir enfin une réponse, mais depuis ça me ghost. Vraiment petit et décevant. »
Acte 6 : La réconciliation
De lui-même, Nadir Hifi a décidé d’enterrer la hache de guerre au printemps 2024. Dans la foulée de son titre en EuroCup avec le Paris Basketball, il rend un hommage spontané à l’ESSM Le Portel. « Il y a quatre ans, j’étais en Nationale 3. Je dois remercier tellement de personnes. J’ai eu beaucoup de mal à lancer ma jeune carrière mais je vais citer Eric Girard. Il y a eu beaucoup de critiques sur mon départ du Portel. Sans lui, il ne faut pas oublier que je n’en serais pas là. C’est lui qui m’a lancé, dans cette salle en plus (le 1er mai 2021, avec 2 minutes de jeu) : j’ai mis mes premiers points à Ékinox et je deviens champion d’Europe ici. Beaucoup de supporters du Portel sont énervés mais je n’ai rien contre eux. Au contraire, je suis reconnaissant envers le club et tout ce qu’il m’a apporté, tout l’amour que les fans m’ont montré. Je vais revenir là-bas pour le dernier match, je vais leur donner de l’amour, j’espère qu’ils m’en donneront. Je n’oublierai jamais mon passage au Portel, c’est un club qui restera toujours dans mon cœur. »
Et l’inverse est sûrement vrai aussi… Samedi, les habitués du Chaudron pourront voir l’incroyable dimension prise par l’international français ces dernières années. Où tout est parti du Portel pour lui.