
Meilleur joueur étranger de l’histoire de LDLC ASVEL, avec son maillot retiré au plafond de l’Astroballe, Delaney Rudd est honoré cette semaine par le club villeurbannais, comme l’ensemble de l’équipe de 1996/97, qui s’était hissée jusqu’au Final Four.
Dans le vestiaire de LDLC ASVEL, mardi soir, Delaney Rudd s’adresse aux Villeurbannais après leur exploit contre l’Olympiakos en EuroLeague. “Mon époque à l’ASVEL a été l’une des plus importantes de ma vie. Parfois, on ne s’en rend pas compte avant d’être parti. Jusqu’à la fin de ma vie, je répèterais que je n’ai jamais été aussi heureux qu’à Lyon.”
Et inversement, des années après son départ, 26 exactement, le basket français peut encore affirmer que la période de Delaney Rudd fut l’une des plus marquantes de son histoire. Pas de titre de champion de France, d’accord, ce qui reste l’une de ses blessures majeures (avec trois défaites en finale), mais une trace immense.
Avant de devenir une légende de l’ASVEL, Delaney Rudd était un vrai joueur NBA (239 matchs), notamment le back-up de la légende John Stockton à Utah. Mais difficile d’exister dans l’ombre d’une légende, alors il s’expatrie en Europe, d’abord via une pige aussi brève (deux matchs) que marquante avec le PSG Racing en décembre 1992 (une deuxième sortie à 35 points et 8 passes décisives contre la… CRO Lyon).
L’ASVEL au bord du gouffre
En 1993, la petite histoire raconte que Delaney Rudd est courtisé par Antibes et l’ASVEL. Le natif d’Halifax demande quelle est l’équipe la moins bien classée : l’OAJLP est 2e, Villeurbanne 10e. Ce sera donc l’ASVEL, pour y écrire une meilleure histoire. La vérité est que l’ancien NBAer a plus sûrement été séduit par le contrat de deux ans que lui offrait le club rhodanien, alors qu’il se remettait tout juste d’une blessure au tendon rotulien. Plus sûr pour l’avenir.
Peu importe. La vraie vérité est que Delaney Rudd a sauvé l’ASVEL de la déliquescence, un club passé proche de la sortie de route financière un an plus tôt, ce qui avait laissé des traces sur le plan sportif. “Avant son arrivée, nous étions une équipe de branquignols”, disait Alain Digbeu au Progrès cette semaine.
Des bas-fonds de la Pro A vers le Final Four de l’EuroLeague
La mutation des bas-fonds de la Pro A vers le Final Four de l’EuroLeague ne se fait pas en un jour. Avec un effectif jeune, l’ASVEL commence par accrocher la 7e place de Pro A à deux reprises, sortie en quart de finale des playoffs par Antibes puis Limoges. Mais au centre du jeu, éblouissant aux manettes de la Green Team, Delaney Rudd tire tout le monde vers le haut. Et la saison suivante, 1995/96, est celle de son chef-d’œuvre. Le premier trophée remporté depuis 15 ans (la Coupe de France, à Marseille, contre Levallois), une demi-finale européenne avec la Korac et un trophée de MVP qui ne souffre d’aucune contestation (20 points de moyenne, à plus de 50% au shoot, et 8,7 passes décisives de moyenne). Il manquera le plus beau : le titre de champion de France, qui s’envole au terme d’une finale homérique contre l’Élan Béarnais.
En 1999, Pau-Orthez prive encore Rudd d’un sacre qui aurait été mérité et il quitte l’Astroballe les larmes aux yeux, sachant déjà que c’était la dernière. En 1997, c’était le PSG Racing de Laurent Sciarra et Richard Dacoury qui avait eu la peau de l’ASVEL. 1997, c’est une autre Coupe de France mais surtout l’accès au Final Four de l’EuroLeague, longtemps restée le dernier du basket français avant l’épopée monégasque en 2023. Avec une pointe à 35 points face au Barça, l’Américain règne sur la campagne continentale. En playoffs, les Villeurbannais sortent successivement l’Estudiantes Madrid (2-1) et l’Efes Pilsen Istanbul (2-1) pour s’ouvrir les portes du dernier carré à Rome. Battus par Barcelone (70-77) et Ljubljana (79-86), ils termineront 4e, mais auront tellement marqué les esprits que l’intégralité de l’équipe sera honorée ce jeudi soir contre le Zalgiris Kaunas.
“Sa grande force a été de rendre les autres meilleurs”
Avant qu’Amara Sy ne rejoigne les cintres de l’Astroballe, le n°4 partagé par Alain Gilles et Delaney Rudd a longtemps été le seul accroché au plafond de la salle de l’Est lyonnais, théâtre de certains de ses plus grands exploits. La juste reconnaissance de l’impact d’un homme qui a renversé le destin d’un club en perte de vitesse. “Il a été le plus fort joueur que j’ai coaché”, a confirmé au Progrès l’entraîneur de l’époque, Gregor Beugnot. “Nous avions fait un pari en lui proposant deux ans de contrat alors qu’il venait de se faire peigner le tendon rotulien, a su valoriser tous les effectifs que j’ai eus, en sachant que nous avons eu quatre équipes durant ses six ans à l’Asvel. De celle de la reconstruction, lors de notre deuxième année, où il devait tout faire, à la dernière, où il fallait qu’il fasse abstraction de ses qualités pour faire briller ses coéquipiers. C’est remarquable de la part d’un joueur de cette trempe-là. Sa grande force a été de rendre les joueurs meilleurs.” Profitons de la présence de la légende à Lyon cette semaine.